mercredi 30 mai 2012

Heure H, Jour 0

Du fond de la mer de Barents, de grosses bulles s’échappent. Une petite faille s’est formée sur la croûte vaseuse, parsemée de roches déchiquetées, à 220 mètres sous la surface et de là sortent ces méduses pressées faites d’air. Il y a déjà 152000 ans, une sonde envoyée de la planète Epsilon 12D  s’y était encastrée. Elle avait déployé des bras métalliques, pourvus de grappins inoxydables et s’était arrimée de façon stable, alors qu’un compte à rebours précis commençait. Des êtres sans doute intelligents ont planifié un évènement fort.
Après ces bulles emprisonnées depuis bien longtemps, c’est la sonde qui remonte. Les bras métalliques se sont rétractés et la sphère libérée, se dirige en louvoyant vers le haut, vers la lumière.
Une minuterie arrive à son terme, une déflagration va se déclencher. Tout a été minuté, anticipé.
Dans cette mer, le printemps a déclenché l’explosion printanière du phytoplancton. A seulement cent kilomètres au Sud, dans le port de Mourmansk, de vieux sous-marins russes finissent de rouiller. Leurs réacteurs nucléaires pourraient exploser à la moindre surchauffe.
La sonde remonte de plus en plus vite, elle jaillit hors de la mer et « BAM ! » se désintègre en un fracas assourdissant.
1 million de tracts biodégradables vantant les bons services et les KKKrr tout frais de la boulangerie FTRuGLb, à Mrtree sur Thgiifd s’envolent dans les airs, mais retombent dans l’eau salée, où le krill aura tôt fait de l’ingérer. Et puis le texte en Mrtee-ien aurait été un peu dur à comprendre, même par des pêcheurs finlandais.
Encore de la pub mal ciblée ! Une journée sur Epsilon 12D  équivalant à 150000 années sur Terre, le timing était presque correct, quoiqu’un peu mal ajusté.
Les KKKrr sont encore tout frais, là-bas, sur Epsilon 12D  .

vendredi 25 mai 2012

Famous de canard

L’autre nuit, vers 03h35, je m’interrogeais sur les artistes en tout genre.
Devenir célèbre, est-ce mérité ou injuste ou écrit dans un grand livre dont les pages sont tournées  paresseusement par une divinité cruelle mais quand même belle, avec des yeux qui lancent des éclairs ? Vous lisez un poème de Rimbaud, écoutez les Clash ou Debussy à fond dans votre 2 pièces et votre Peugeot d’occasion ou regardez pensivement une sculpture de Picasso et  vous dites : « mince, j’aurais pas pu faire pareil ! »
Tous ceux qui passent à la postérité ont-ils vraiment plus de talent, de fond et de classe ? Non ! Hurlerez-vous, songeant à des individus surcotés, et Oui ! Répondront d’autres listant uniquement des noms qui ne souffrent pas le débat.
Moi qui suis du côté des inconnus notoires, je peste, reconnaissant modestement la force de l’œuvre de ceux que j’admire. Mais quid de certains qui auraient été des lumières, des stars potentielles et qui sont restés dans l’ombre la plus noire ? Des pépites jamais remontées à la surface, est-ce possible ? Rimbaud jamais publié. Picasso qui finit professeur de dessin aigri à Malaga, accrochant son guidon de vélo à une selle et tout le monde s’en tape. Les Clash restés dans un garage jusqu’à 50 ans puis piliers de pub à nez rouge. Debussy, né à Saint-Germain en Laye, qui y reste et devient marchand de céramiques et poteries comme son papounet.
Allez, j’arrête de m’interroger naïvement. La divinité cruelle mais quand même belle, avec des yeux qui lancent des éclairs au chocolat a tout prévu, n’oublie rien, ne manque pas de pointer son doigt qui lance des éclairs au café vers ceux qui le méritent.
Et puis, bon, vous savez, il y en a qui ont  du talent ET de la chance dans la vie !
Rendors-toi, me dit une petite voix à 03h49.

mercredi 23 mai 2012

Remède, alors

Fruit d’un développement finalisé presque en cachette, le Boduxil ©, formule injectable, fut lancé par les Laboratoires Serline and Glounz avec une indication confidentielle dans la  polo-arthrite rhumatoglobulase. Au bout d’un an, sa réputation prodigieuse avait fait le tour du monde et de tous les services hospitaliers.
Les patients, pour la plupart connaissaient une rémission spectaculaire et l’on vit des octogénaires autrefois fourbus se remettre au triathlon. Ce succès médical ne s’arrêta pas là ; il fut constaté que ses bienfaits s’étendaient pour les pathologies cardio-vasculaires, des troubles de la mémoire et du dysfonctionnement érectile. Les autorisations de mise sur le marché se multiplièrent, car, autre caractéristique du Boduxil ©, il n’avait aucun effet secondaire connu, même après avoir été utilisé par trois millions de patients, seulement 18 mois après son lancement. Pour faire court et simple, ce médicament possédait une efficacité incroyable pour un nombre de pathologies, de fait, inconnu.
Dès lors, la valeur de l’action Serline and Glounz quintupla tous les 6 mois, et son chiffre d’affaires fut multiplié par 20 ou 25, on ne sait plus très bien, lors de la fièvre qui s’empara des médecins pour le prescrire. Chaque semaine ou presque, une nouvelle maladie se trouvait en passe d’être rayée de la nomenclature, car le Boduxil© y mettait un terme assez rapidement.
Malaria, fièvre jaune, dengue, tremblante du mouton et maladie d’Alzheimer furent bientôt de lointains souvenirs.
C’est alors que le tout premier malade traité, dans un petit hôpital de Lincoln, Nebraska pour sa polo-arthrite rhumatoglobulase se mit à décoller légèrement du sol, léviter de façon permanente à 1.7 cm du sol et à parler dans une langue qui n’existait pas.  
 

samedi 12 mai 2012

Veille inactive



Giorgio P. était sûr de se voir licencier rapidement, mais rien ne venait. Depuis dix ans, il occupait un poste de cadre moyen, à vrai dire pas très utile. Il travaillait sans faire de bruit, ni sans se faire excessivement oublier.
Il arrivait au bureau et brassait les e-mails, participait à quelques réunions et répondait présent à toute invitation pour une téléconférence.
Il figurait sur les listes des personnes à inviter lors du séminaire annuel ou de formations de mises à jour de logiciels x ou y.
Tout en ne produisant aucune valeur ajoutée, il demeurait dans les effectifs du QG Europe, alors que les coupes de personnel faisaient rage dans les usines et les équipes de vente.
Il présentait bien, savait sourire et saluer ses collègues, comme les inconnus qui, dans le doute, lui rendaient son salut.
On le voyait aux pots d'adieu et serrer la main à des cadres de niveau F4, nul n'aurait songé à mettre en doute son poste, dans le grand immeuble de verre et d'acier. Il changeait de chef tous les 16 mois, et ces jeunes cadres laissaient dans son dossier une évaluation assez positive, par défaut.
Il a commencé à ne plus venir le lundi. Puis il a répondu aux e-mails de chez lui le vendredi. Enfin, il s'est arrangé pour ne participer qu'à des téléconférences. Il venait encore à la cantine une fois par semaine, à quelques meetings visibles et à son entretien annuel d'évaluation. Il s'arrangea pour travailler exactement trois heures par semaine et personne ne s'en rendit compte, car son employeur avait été racheté par un groupe de Qubaï qui mit très longtemps à restructurer et fusionner trois entreprises du même secteur.
Il reçut à 64 ans sa lettre de mise à la retraite, par le courrier qu'il faisait suivre en Toscane où il vivait déjà depuis l'âge de 57 ans.


jeudi 10 mai 2012

Fable Rock

Réaction d’un lecteur buriné mais jamais blasé, qui a lu dans les Inrocks du 9 mai  un article en forme de fable, cf. ELECTRIC GUEST, Rois du MONDO…
Alors voilà, Electric Guest, ce sont des types genre slackers cools (géniaux, forcément, géniaux) qui ne glandent rien du tout en fac en Californie là où il y a du soleil et des dollars et des synthés, et pof !, ils font écouter leur petite maquette mp3 (bidouillée, forcément bidouillée, dans une cave avec 3 bouts d’accords et 2 samples) au téléphone à un glandu passant par là, et zap !, le gugusse c’est Danger Mouse. Attention ! Même que cela aurait pu être le fils de Prince ou le cousin des Black Keys, non ? En tout cas, pas le 12ème fils d’un mormon républicain !
Et puis, pif !, comme le grand frère de l’un des bonshommes est bien sûr animateur à Saturday Night Live - surtout pas au télé-achat avec des bagues en or en gros plan ou chez les sermonneurs évangélistes du dimanche, alors crac !, ils sont dans LE milieu qui va bien. Tsoing ! Ils enchaînent les concerts … trop forts ! 
Poum ! Dans une chambre d’hôtel (bien sûr ), ils composent sans même y prendre garde une ritournelle cosmique avec 4 notes et 2 doigts et schlouk ! , 5 550 000 vues sur Youtube et une maison de disques, ploum !, leur signe un album, qui se vendra à 2 millions d’exemplaires, et abracadadra ! Le tout est envoyé aux journaux du monde entier avec un dossier de presse tout bien prêt avec des photos déjà mignonnes en rouge et noir.  
Miracle, chœurs, alléluia, quelle belle aventure, chers petits amis. Zlink ! Fait la grosse baguette du producteur, et froom ! Le Service Marketing et clikk-clikk ! L’équipe Web 2.0 et wizz ! La petite armée d’attachées de presse.   
Hihihi ! Fait le lecteur qui n’est pas dupe, mais rigole quand même.