Giorgio
P. était sûr de se voir licencier rapidement, mais rien ne venait.
Depuis dix ans, il occupait un poste de cadre moyen, à vrai dire pas
très utile. Il travaillait sans faire de bruit, ni sans se faire
excessivement oublier.
Il
arrivait au bureau et brassait les e-mails, participait à quelques
réunions et répondait présent à toute invitation pour une
téléconférence.
Il
figurait sur les listes des personnes à inviter lors du séminaire
annuel ou de formations de mises à jour de logiciels x ou y.
Tout
en ne produisant aucune valeur ajoutée, il demeurait dans les
effectifs du QG Europe, alors que les coupes de personnel faisaient
rage dans les usines et les équipes de vente.
Il
présentait bien, savait sourire et saluer ses collègues, comme les
inconnus qui, dans le doute, lui rendaient son salut.
On le
voyait aux pots d'adieu et serrer la main à des cadres de niveau F4,
nul n'aurait songé à mettre en doute son poste, dans le grand
immeuble de verre et d'acier. Il changeait de chef tous les 16 mois,
et ces jeunes cadres laissaient dans son dossier une évaluation
assez positive, par défaut.
Il a
commencé à ne plus venir le lundi. Puis il a répondu aux e-mails
de chez lui le vendredi. Enfin, il s'est arrangé pour ne participer
qu'à des téléconférences. Il venait encore à la cantine une fois
par semaine, à quelques meetings visibles et à son entretien annuel
d'évaluation. Il s'arrangea pour travailler exactement trois heures
par semaine et personne ne s'en rendit compte, car son employeur
avait été racheté par un groupe de Qubaï qui mit très longtemps
à restructurer et fusionner trois entreprises du même secteur.
Il
reçut à 64 ans sa lettre de mise à la retraite, par le courrier
qu'il faisait suivre en Toscane où il vivait déjà depuis l'âge de
57 ans.
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