vendredi 14 septembre 2012

Missed you

Sur le quai de la gare de Dartford, en allant à Londres, j’avais vu ce type maigre. Il avait de grandes oreilles, un profil acéré et l’air un peu à l’Ouest. J’avais des disques de Muddy Waters qui dépassaient d’un sac. J’ai senti son regard s’animer quand il a vu ça. J’avais envie de lui parler et il y a un avion qui est passé dans le ciel, un jet de la RAF qui faisait un bruit d’enfer. Je suis monté dans le dernier wagon, pour mater une fille que j’avais repérée.
En 1960, je voulais devenir chanteur, juste pour faire des reprises de ces groupes américains qui assuraient grave. Le Blues ? Bien plus marrant à imiter que les crooners suaves, avec leurs costumes de vieux.
Après, j’ai galéré dans des petits groupes, rien de bien sérieux. Et puis, le coup de chance est arrivé. J’ai rencontré Paulo. Un gaucher, bassiste du tonnerre, arrivé à Londres depuis 2 ans. Il avait démarré un truc avec un certain John, et ils s’étaient gravement disputés à propos de pognon, alors il avait un peu arrêté la musique. Liverpool, lui semblait maintenant bien loin. Il n’avait presque plus d’accent.
Quand je l’ai connu, il était coursier pour une compagnie maritime dont les bureaux étaient près de Regents Park. Il avait un collègue comptable et batteur, un type costaud qui nous a rejoints pour faire des concerts dans des clubs. C’était l’été, on mangeait et des insectes nous tournaient autour. On a appelé le groupe les Flying Bugstones. C’est bête, non ?
On a écrit des chansons, le succès nous est tombé dessus de façon fulgurante, nous sommes devenus une légende, un bloc de l’histoire de la musique contemporaine.
C’était il y a  50 ans.
Parfois, en passant près de Dartford, je me demande ce que ce type avec des grandes oreilles est devenu.
Je crois qu’il s’appelait Keith.

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